Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Bonjour à toutes et à tous et bienvenue dans Servez-vous, la première chaîne de podcast spécialisée dans les services à la personne et la silver économie. Aujourd’hui, nouvel épisode de Parlons peu, parlons soin. On s’intéresse au métier d’auxiliaire de vie, avec deux enjeux majeurs : le recrutement et la fidélisation.
Ce métier est essentiel à l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie, mais il fait face à un manque de reconnaissance, une pénurie de candidats et des conditions de travail exigeantes. Pourtant, ces professionnels jouent un rôle clé au quotidien. Comment attirer et garder ces talents ?
Pour en parler, j’accueille Charlotte Werler, fondatrice de Vocation Auxiliaire, qui aide les agences de services à la personne à recruter et fidéliser des auxiliaires de vie qualifiées, et Anne Lauseig, auxiliaire de vie, qui partagera son expérience du terrain. Bienvenue à toutes les deux.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Anne, pourquoi as-tu choisi de devenir auxiliaire de vie ?
Anne Lauseig
Pour le contact humain. J’aime apprendre des autres et accompagner les personnes à domicile le plus longtemps possible, parce que c’est leur choix.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Depuis combien de temps exerces-tu ?
Anne Lauseig
Environ sept ans et demi.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Quelles qualités sont essentielles pour ce métier ?
Anne Lauseig
L’empathie, la disponibilité, la créativité, aimer le relationnel, sourire, calme et bonne humeur. Des valeurs très humaines.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Charlotte, qu’est-ce qui attire les personnes vers ce métier ?
Charlotte Werler
Le goût de l’autre et de l’aide. On reçoit des « merci » des bénéficiaires et des familles : on se sent utile. Le métier n’est pas routinier, on rencontre des personnes différentes chaque jour et on les aide à vieillir chez elles. Il est aussi accessible via des formations, notamment pour des personnes en reconversion vers 50 ans qui cherchent plus de sens.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Comment distinguer une vocation d’un simple besoin d’emploi ?
Charlotte Werler
La vocation, c’est ce qui nous appelle et correspond à nos valeurs et à ce qu’on veut vivre au quotidien. Mais vocation ne veut pas dire bénévolat : c’est un métier, il faut pouvoir en vivre. La question des salaires et de la reconnaissance se pose.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Quels sont les principaux freins au recrutement ?
Charlotte Werler
Les conditions de travail : présence tôt le matin pour le lever et la toilette, le soir pour le coucher, des coupures en journée sans lieu d’accueil, beaucoup de déplacements, souvent avec son propre véhicule en zone rurale, et un sentiment d’isolement. Les salaires aussi : pour des interventions complexes (troubles neurocognitifs, toilettes, repas), on voit encore des taux autour de 12 € brut de l’heure. Une revalorisation est nécessaire.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Anne, tu retrouves ces freins sur le terrain ?
Anne Lauseig
Oui : déplacements, salaires, manque de formation, manque de visibilité sur les évolutions de carrière. On peut évoluer (aide-soignant, éducateur spécialisé, infirmier) ou rester auxiliaire de vie en devenant référente d’une pathologie, responsable de secteur, etc. Mais nos compétences ne sont pas assez reconnues : dans une journée, on peut gérer cinq à sept pathologies différentes, avec des postures adaptées à chacune.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Il y a aussi un travail d’image à mener ?
Anne Lauseig
Oui. Depuis le Covid, l’image s’est un peu améliorée : on a mieux reconnu l’importance du lien. Même pour l’entretien du domicile, le lien est essentiel et il n’est pas assez pris en compte dans les prises en charge.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Comment accompagne-t-on quelqu’un qui veut devenir auxiliaire de vie sans avoir encore les qualifications ?
Charlotte Werler
Il existe de nombreuses formations, mais elles sont mal connues. Par exemple : la POEI (Préparation Opérationnelle à l’Emploi Individuelle) proposée par France Travail, environ trois mois de formation rémunérée, souvent avec un CDI à la clé ; Pro-A, l’alternance pour les salariés déjà en poste, prise en charge ; l’accompagnement par un conseiller en évolution professionnelle via France Travail ; certains groupes ont aussi leur institut de formation interne. C’est un métier technique : pathologies, nutrition, gestes et postures… Il faut se former.
Anne Lauseig
On ne naît pas avec ces compétences. Et ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on les a.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Charlotte, côté agences, quelles stratégies fonctionnent pour attirer des profils engagés ?
Charlotte Werler
Une marque employeur réelle, fidèle au terrain : informations claires dès l’entrée (mutuelle, majorations dimanches et jours fériés, convention collective, frais professionnels), communication fluide, parrain/marraine, parcours d’intégration et de formation, plannings optimisés pour limiter les coupures. Être très réactif : répondre aux candidatures en quelques heures, pas une semaine plus tard. Et rester à l’écoute : c’est un métier profondément humain.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Anne, comment as-tu trouvé ton premier emploi ?
Anne Lauseig
Par un remplacement proposé par une amie. Ensuite, des besoins familiaux m’ont confortée dans ce choix.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Pourquoi rester malgré les contraintes ?
Anne Lauseig
Pour l’humain. Chaque bénéficiaire a son histoire. Les journées ne se ressemblent pas. Un sourire peut illuminer la journée ; un « merci » compte énormément.
Charlotte Werler
Attention aux clichés : ce n’est pas « un métier de femmes par défaut ». Tout le monde n’a pas l’empathie ni l’envie nécessaires.
Anne Lauseig
Exact. Prendre soin d’un adulte âgé n’a rien à voir avec s’occuper d’un bébé. Ce n’est pas donné à tout le monde. Et la présence d’hommes apporte une autre approche, souvent appréciée, avec des souvenirs et des émotions positives chez certains bénéficiaires.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Comment fidéliser les équipes ?
Anne Lauseig
Par un management de confiance : donner à l’auxiliaire une place active dans les décisions de prise en charge, proposer des perspectives d’évolution et des projets internes, entendre les demandes de formation, accepter qu’on puisse dire « je ne me sens pas compétente pour cette situation ». Et surtout : bienveillance au quotidien et respect strict de la vie personnelle (indisponibilités, vacances, week-ends).
Charlotte Werler
100% alignée avec Anne : communication claire (contrat, informations bénéficiaires), parrainage, parcours d’intégration et de formation dans le temps, respect de la vie privée. Construire un fonctionnement plus vertueux pour éviter les sollicitations de dernière minute qui épuisent.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Le manque de reconnaissance : comment y répondre ? Et quel rôle jouent formation et évolution ?
Anne Lauseig
Il y a un léger mieux depuis le Covid, mais il manque de la reconnaissance publique, sociétale, parfois au sein des structures et des familles. Cela passe par les salaires, la formation, une communication honnête sur la réalité du métier, et l’explicitation de nos compétences et de nos limites. Côté départements, parler « heures d’accompagnement » plutôt que « ménage/courses » clarifierait les attentes.
Charlotte Werler
Côté employeurs, commencer par respecter les bases. Informer familles et bénéficiaires des diplômes et formations de l’auxiliaire. Ne pas confondre auxiliaire de vie et aide ménagère.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Comment redorer l’image du métier ?
Charlotte Werler
Communiquer largement sur son utilité universelle. Et, pourquoi pas, créer un véritable « institut de formation des auxiliaires de vie » avec des référentiels homogènes (pathologies cognitives, nutrition, bientraitance, secret professionnel, etc.).
Anne Lauseig
Uniformiser le diplôme et les référentiels pour lever les ambiguïtés (par exemple sur les toilettes). La carte professionnelle est une avancée. En période de crise, il faut aussi une reconnaissance concrète (accès à l’essence, masques, garde d’enfants). Enfin, des modules communs avec infirmiers et aides-soignants aideraient à partager le même langage au domicile.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Quelles tendances vois-tu pour les prochaines années, Charlotte ?
Charlotte Werler
Une amélioration progressive des conditions de travail et de l’attention portée aux équipes ; plus de professionnalisation (POEI, alternance, etc.) ; le développement des équipes autonomes (moins de hiérarchie, décisions collectives) ; et l’appui de l’IA pour planifier et anticiper les besoins. Mais attention, je suis convaincue que L’IA n’a pas vocation à remplacer le lien humain.
Anne Lauseig
L’IA peut aider l’organisation, pas le relationnel. Qu’elle libère du temps aux responsables de secteur pour remettre de l’humain, oui. L’intelligence émotionnelle reste au cœur du métier. Penser aussi à la prévention (formations, matériels adaptés) pour réduire accidents et arrêts.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Anne, un message à celles et ceux qui hésitent à rejoindre ce métier ?
Anne Lauseig
Si tu aimes les gens, le contact et l’accompagnement, et que tu veux apprendre des autres, rejoins-nous : c’est un beau métier.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Où peut-on vous retrouver ?
Charlotte Werler
Vocation Auxiliaire : une communauté d’auxiliaires de vie pour s’entraider et se conseiller, avec des rencontres « cafés auxiliaires ». J’accompagne aussi les agences sur le recrutement et la marque employeur.
Anne Lauseig
Le collectif « La force invisible des aides à domicile » : communauté d’auxiliaires et événements, comme la Journée de l’auxiliaire de vie. Nous préparons aussi un projet avec Charlotte sur la nutrition des professionnelles.
Célia SANDARNAUD – Servez-vous
Merci pour votre écoute et à bientôt !